Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LIRE LA MUSIQUE 16

Entre 2009 et 2012, Lire la musique, ma chronique (transverse) fut publiée dans Le Magazine des Livres aujourd'hui disparu. En voici le feuilleton complet.


Telecharger_le_journal_n_28_vignette_358.jpg



ALLUMER LE JAZZ

 

« Le jazz n’est pas mort, c’est juste qu’il a une drôle d’odeur ». Cette phrase de Frank Zappa inscrite dans le microsillon de Roxy & Elsewhere (1974) est devenue une sorte de topique permettant d’évoquer un genre musical sans contours fixes, un domaine sonore au sein duquel voisinent et parfois même s’enjambent le rhythm’n’blues, le funk, la pop, l’électro et bien sûr le jazz tout sauf mainstream. Mais peut-être que certains d’entre vous estiment que le jazz n’est plus, du fait même de sa corruption par des styles qui lui sont exogènes. Certains puristes pleurent son cadavre estimant que ce que l’on qualifie de jazz aujourd’hui ne swingue ni ne joue le blues.  Sans blague, tout un continent de musique serait englouti et personne ne nous en aurait informé. C’est un peu fort. Et puis, il existe une preuve mensuelle qui atteste que le jazz bouge encore, c’est la publication depuis cinquante-sept ans de Jazz Magazine. Tant que le jazz fait jaser, c’est que sa croissance continue.

 

Prenons Les Allumés du Jazz, périodique créé en 1999, diffusé à 18 000 exemplaires, et envoyé gratuitement à qui en fait la demande. Ce journal est tout sauf un faire-part de décès. Il est un débat permanent dédié aux amateurs de jazz mais aussi à ceux qui s’interrogent sur la relation entre cette musique et tous les autres langages. Il est une réflexion menée par ses propres acteurs sur le terrain de la philosophie et de la politique. Les Allumés du Jazz est la voix d’une association qui regroupe 58 maisons de disques indépendantes et l’opportunité pour ceux qui s’intéressent à l’actualité permanente du jazz d’être renseignés sur les nouveautés ou de retrouver des traces discographiques, celles par exemple de Jacques Thollot, d’Un Drame Musical Instantané, de Louis Sclavis, d’Archie Shepp ou encore de Jacques Berrocal. Depuis le 14 mai, Les Allumés du Jazz disposent même d’une boutique, située au Mans, et dans laquelle il est désormais possible de faire provision d’artefacts sonores tout en assistant à des concerts ou à des rencontres thématiques.

 

Le numéro 28 vient de paraître et fait la preuve, une fois de plus,  que le jazz est un sujet d’étude à vie. Cette livraison jette un pont entre le mouvement des collectifs de  musiciens des années 1960 et la place Tahrir, emblème de « la démocratie en action ». On y retrouve les points de vue d’Ahda Soueif (romancière et chroniqueuse politique), de Mohamed Abozekry, plus jeune professeur de oud du monde arabe.  Pablo Cueco et Jean Méreu  reviennent sur l’histoire de l’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire (ARFI) tandis que Laurent de Wilde déclare que sa langue maternelle est le jazz. Jean Rochard l’interroge sur l’idée qu’il existe peut-être une musique susceptible de synthétiser les questions d’époque. Le pianiste et écrivain (Monk, Gallimard, 1994) répond ceci : « Hé hé ! Ça me fait penser à Hegel qui voyait en Napoléon l’esprit du monde à cheval et Beethoven qui lui écrivait une symphonie … Ces temps-là sont révolus, et il n’y a plus de synthèse possible. Je serais tenté de dire que dans chaque type de musique, rock, pop, jazz, world, que sais-je, il y a un peu de l’histoire de l’humanité, chacun reflète à sa façon son époque ». Allumons le jazz et tout est éclairé.


9782859208547.jpg


 

Un éditeur, Le Castor Astral, publie une collection dans laquelle des poètes composent à leur manière des portraits de grandes figures de la musique populaire. Il y eut les ouvrages de Claude Beausoleil sur Billie Holiday, de Zéno Bianu successivement sur Chet Baker puis Jimi Hendrix, voici la « biographie » de Frank Sinatra « versifiée » par Éric Sarner. Cet auteur des récents Éblouissements de Chet Baker (La Passe du vent, 2010) peut se vanter d’avoir publié, en 1971, un premier recueil préfacé par Joseph Delteil. Ballade de Frankie est un voyage à travers Sinatra, une sorte de caméra légère qui regarde et transcrit en touches vives les contrastes, les mille facettes de celui qui voulait être tout. Il s’agit bien d’une biographie, mais une biographie chantée, ce qu’il convenait de faire et que nous attendions s’agissant d’un artiste surnommé The Voice et par ailleurs capable de traverser tous les styles musicaux avec l’aisance d’un passe-muraille. Guy Darol

 

LES ALLUMÉS DU JAZZ, n°28, 2 rue de la Galère 72000 Le Mans, gratuit

BALLADE DE FRANKIE, Éric Sarner, Le Castor Astral éditeur, 118 p., 13 €

 

 


Les commentaires sont fermés.